Le rythme des tambours était assourdissant. Lent, il avait hanté toute la semaine, comme le pouls du marais qui lentement se fondait avec celui de tout le village. Tous étaient réunis au centre, solennels, silencieux, le visage couvert en guise de deuil. Seuls les yeux étaient visibles, brillants et pleins de tristesse, mais tous attentifs.
Au centre, l’autel montait très haut. Tous les corps, momifiés, composaient la base, en cercle, alors qu’une colonne d’offrandes à Azuroth servait de centre, totem dédié à la colère de la déesse. Le rythme des tambours augmente. Tout le monde retient son souffle. Lentement, à contrecœur, les têtes se tournent vers le minuscule groupe qui sort de la cabane servant de temple de fortune à Kréoss et Urugan. Deux prêtresses, toutes vêtues de noir s’avancent, tenant chacune par chaque main un jeune enfant, dix ans, peut être neuf. Ses yeux sont vitreux, son sourire lointain, et il fixe un point invisible, loin devant lui. Le gaz a endormi ses sens et sa conscience, et tout ce qu’il en reste, c’est un petit rire joyeux et ravi de temps à autres. Les deux femmes arrivent à l’autel, récupèrent une pâte contenue dans un bol au pied du totem. Doucement, elles tracent avec sur son visage quelques traits, une araignée dont le corps partirait du point entre ses deux yeux. Sage, l’enfant leur sourit et joue avec la bourse pendue à son cou, menue et brodée d’un serpent et d’une flamme.
-« Azuroth, pourvoyeuse d’âmes, ton enfant est prêt, il vient à toi sans peur et sans tristesse… »
La lente mélopée des prêtresses s’élèvent dans les airs, à peine couverts par le hurlement de désespoir d’une femme au milieu de l’assemblée, interrompu net. Rapidement, le cœur des tambours est le seul à se faire entendre. Les deux femmes guident l’enfant par la main, en direction des quais… Et le village les suit, emportant les corps, les offrandes, et une pierre attachée à une corde en une lente et silencieuse procession, comme la mort glissant parmi les vivants.
Puisse-t-elle épargner ceux qui restent.