Nous nous posons autour du foyer protecteur, savourant le silence et l’immensité qui nous entourent. Nous sommes en bordure de ce lac gelé, à la lisière de la forêt. Il n’y a que nous face à cette étendue sauvage. Lentement, la luminosité décroît jusqu’à disparaître. Le ciel se pare d’une multitude de couleur passant du bleu cyan, au rouge orangé, enfin au bleu sombre et profond, le bleu de la nuit froide et sans nuage. Les ombres noires des arbres se découpent délicatement sur les dernières lueurs de cette journée qui s’achève, laissant place à la lune, ronde et blanche, qui s’élève lentement, illuminant le monde d’une douce lueur argenté, tel un phare lointain. Le monde se transforme, devenant un univers d’ombres noires soulignées par la neige blanche lumineuse qui recouvre tout.
Avec la disparition du soleil, le froid se fait plus intense. Nous nous resserrons auprès du feu, avides de la moindre parcelle de chaleur. Nous sortons notre repas du soir, des bouts de viande que nous piquons au bout de branches pour les faire griller au-dessus des flammes en attendant que la lune soit haute dans le ciel, apportant plus de clarté pour éclairer notre route.
Enfin, il est l’heure. Nous rangeons tout et nous préparons pour la chasse. Le froid est vraiment dur. Chaque parcelle de mon corps en subit la morsure. Mais le paysage nocturne qui s’offre à moi me fait oublier pour un temps mon corps engourdi. Nous courrons sur le lac, la lune en face de nous comme seule lumière. Sa clarté lunaire recouvre le monde qui nous apparaît en noir et blanc. Tout est différent et magique, la neige, les arbres, le ciel étoilés.
La course et la tension de la chasse me réchauffent lentement le corps. Pourtant le froid est intense. Le givre se forme sur mon arc et autour des fourrures qui m’entourent le visage. Notre haleine se change en vaste nuage de brume.
Les chasseurs de la harde courent à mes côtés, silencieux et rapides. Nous ne sommes qu’une entité, sentant les intentions et la présence de nos frères et agissant en commun sans besoin de discours. La tension est palpable, tous nos sens sont en alerte, car ce soir, nous chassons un animal dangereux et respectable : l’ours. C’est un adversaire à notre hauteur, nous devrons le mériter.
Une lance… et le monde retient son souffle.