La chasse à la larme – PA§1


La tempête faisait rage. Cela faisait bien trois jours que le vent soufflait, cinglant corps et cœurs, arrachant, fouettant, hurlant. L’esprit des hommes se déchaînait dans les poitrines. Exaltés, les lèvres toujours étirées par un rire qui ne résonnait pas encore, ils attendaient le signe, la manifestation des dieux. Le mât craquait douloureusement, les voix ne portaient plus sauf à moins de s’époumoner… Tout était prêt pour lutter face à la colère de l’union des dieux.

La voilà. La tornade descend, déchirant les cieux et créant un pont entre le ciel et la terre.

« Mes amis, il est l’heure !! ». Le rire qui battait à ses lèvres depuis des heures finis enfin par s’enfuir, féroce, et il résonne dans les airs.

Un homme tire sur sa barre, les voiles, restreintes et enfermées sont enfin offertes à la fureur des éléments, et les chariots avancent. Ils sont deux équipages à traquer la tempête sur ce coup. Les regards se portent l’un vers l’autre, parfois haineux, parfois simplement joueurs. L’heure n’est pas à la bataille, c’est la déesse qui choisira qui sera le meilleur aujourd’hui.

Tout le chariot craque, hurle, s’arc-boute contre le traitement qui lui est infligé. Partout, à tribord et à bâbord, la terre a disparu, ne laissant plus que la place à des silhouettes fantomatiques bien vite propulsées vers l’arrière. De plus en plus les chariots approchent. Ils tournent, se penchent, sautent, et chaque rebond est annonciateur de mort.

Puis une voix s’élève. Deux, dix, trente. Trente poitrines entonnent un chant, fort, fier et d’une seule voix. Pyldor, Lorwin, Aerlioss, les trois deviennent un chant unique d’espoir, d’exaltation et de peur jouissive. Les deux équipages adverses vibrent du même sentiment.

Mais l’un d’eux est meilleur aujourd’hui, et le chant se mue en grondement sauvage lorsqu’un poing brandit fièrement dans les airs un cristal qui pulse d’une lumière violente, visible à des mètres malgré la tourmente.

Un mât se brise. L’équipage battu perd de la vitesse. Dans un dernier mouvement à corps perdu, le timonier parvient à s’extirper du maelstrom et s’éjecte loin de la tourmente, suivi un peu plus tard par leurs frères qui rient à gorge déployée, chantant et s’appelant malgré les manœuvres pour s’éloigner de la désolation dans leur dos. Le Roy, les Juges, les cavaliers, tout a disparu à présent, seule la Larme est le centre de leur monde.

Lorwin est partie déchaîner sa rage ailleurs. Les plaies se pansent, les insultes fusent, amicales, puis, enfin, l’équipage aujourd’hui béni par la déesse met pied à terre et rejoint le chariot sinistré. Le maître d’équipage, fier comme un paon, salue, le sourire faisant trois fois le tour de son visage.

«  C’était bien tenté, petit frère. Tu as été trop gourmand. Maintenant, comme je suis extrêmement magnanime et modeste, si tu nous laissais réparer ton mât correctement ? Je ne suis pas expert, mais je crois bien avoir vu une troupe de baiseurs de chevaux à une lieue au sud… »

La course pouvait reprendre.

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