Miséricorde – PA§2


Alyx courait. Ses poumons la mettaient à la torture, la voix de ses pieds n’était plus qu’une agonie de cloques, de coupures et de bleus, mais elle avançait encore. Ses poursuivants n’étaient que des pillards venus des terres chaudes, avides de pillages, des chiens détachés du plus grand troupeau qui ne voyaient que l’occasion de prendre des esclaves et des richesses.

Leur sang était impur. Tellement chargés de péché et de cruauté qu’Alyx ne comprenait pas comment leurs coeurs arrivaient encore à battre. Elle ne pleurait pas. Elle ne pleurait plus. Elle avait vu son frère mourir sans prévenir il y a deux nuits. Leurs ravisseurs avaient paniqué, couru, et elle les avait entendu se disputer fébrilement, ne sachant pas s’ils devaient la tuer ou au contraire la revendre à prix d’or à un de ces scientifiques d’Ormsaint ou elle ne savait plus où…

La mort de son frère avait été sa chance. Tellement obnubilés par cet évènement bien au delà de ce qu’ils pouvaient imaginer, ils avaient oublié de la garder… Terrible erreur. Une enfant des plaines est libre, et elle sait comment disparaître au milieu de rien.

Mais voilà, l’ivresse de la liberté cède bien vite le pas à la dure réalité. Elle était pieds nus, désarmée et bien loin des siens. Mais son coeur est celui d’un aigle, et un aigle ne se laisse pas attraper par des chiens. Alors Alyx courut. Elle court encore. Les étoiles sont ses guides, le vent lui porte les nouvelles qu’elles espérait tant. Une odeur de cendres, de graisse que l’on brûle et de chevaux. Son coeur bondit dans sa poitrine, elle bouge son corps qui l’agonis de souffrance. Encore quelques pas.

Derrière elle, elle entend l’aboiement de chiens. Loin de renoncer, son courage lui fouette les sangs, elle reprend sa course. Leurs chevaux sont gras et manquent de puissance. Il y a quelque chose dans la terre du sud qui avilit ces bêtes. Un troupeau des plaines ferait pleurer de honte les palefreniers  de ces hommes.

Son pied plonge dans un ruisseau, glacé en ce début du printemps. Alyx gémit de douleur. Ses yeux accrochent le sol, cherchent désespérément l’amoncellement de pierres qui lui permettra de trouver ce qu’elle cherche. Le ruisseau marque le début des terres de son clan… Et ses poursuivants font assez de bruits pour rameuter toutes les hardes et éveiller les esprits en prime.

Enfin, elle les trouve ! Elle oblique vers la droite, vers le petit amoncellement de buissons touffus et rêches. Les aboiements se rapprochent. Précipitamment, elle extrait l’arc et le sac dissimulés avec adresse. Leiff bénisse son oncle qui a fait disperser ces caches partout sur le territoire… “Les nuits sont traîtres, la neige surprend, et surtout la guerre envahit tout… si on ne donne pas à nos enfants de quoi se protéger, nous pouvons bien rester cloitrés chez nous à attendre d’être réduits en cendres !” La voix de cet homme bourru mais affectueux lui arrache un sourire de reconnaissance.

Soudain, la réalité se rappelle à elle. Elle bande son arc, inspire profondément, glisse le couteau caché avec l’arc à sa ceinture et reprend sa course… essaie. Ses jambes ne la portent plus que spasmodiquement.

“Beste les emporte !”

La plaine est vaste, elle n’a rien pour se cacher ni se réfugier. Elle n’a plus qu’à défendre sa peau chèrement. A cette pensée, son poignet commence à pulser, comme un animal malsain qui attend son dû…

Le premier chien arrive. Alyx sursaute, décoche la flèche qu’elle préparait. Le chien s’effondre en couinant.

“Economise tes flèches, gamine ! A quoi bon avoir un arc si le seul usage qui t’en reste c’est un gourdin !” La voix de son oncle dans sa tête la fait sursauter. Les chiens peuvent attendre, ce sont les hommes le danger.

Alyx porte ses doigts à ses lèvres, émet un sifflement perçant qui résonne dans la nuit. Tout le monde l’entendra. C’est parfait.

Ses poursuivants sont sur elle. Ils exultent, rient, plaisantent sur ce qu’ils vont lui faire une fois qu’ils l’auront attrapée. Elle n’écoute plus… “La colère est la mère de tous les maux… écoute la, et c’est ton âme que tu vend” …Ils ont des arcs mais ne tirent pas, ils ont trop peur de l’abîmer ou pire… pour une fois que la malédiction de son peuple la protège de quelque chose.

Une flèche vole, siffle dans la nuit. Manqué. Elle se mord la lèvre, encoche la suivante, ses mains tremblent. La prochaine touche sa cible, un cri de douleur et un choc sourt au sol le lui confirme. La tâche à son avant-bras la brûle horriblement, occulte la douleur de ses jambes, la faim de son ventre, la peine de son coeur. Une nouvelle flèche, pas fatale malheureusement.

Et soudain tout bascule. Dix ombres surgissent de la nuit et tombent sur le groupe. Le soulagement lui coupe les jambes, Alyx s’effondre au sol.

Le soleil se lève sur les plaines. Cinq hommes de Tombelhiver s’éveillent tour à tour de leur inconscience, stupéfaits d’être en vie. Chiens, armes, chevaux, tout leur a été prit, sauf leur vie.

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