La Marche de l’Animal – PA§1


*Il fait nuit. Une nuit éclairée par la lune pleine, auréolée des nombreuses étoiles visibles dans le ciel. Une tente élimée se dresse au milieu d’une petite clairière. Un feu crépite afin d’apporter de la lumière au chroniqueur. Un homme, un voyageur s’avance près de lui, signifiant son besoin d’hospitalité.*

 

« Entres ! Mais entres donc jeune voyageur, n’aies pas peur. Ton périple de Tourbebrune jusqu’en Ormsaint arrive à son terme.

Tes habits couverts de poussière et de boue, ton visage marqué et tes lèvres brunies par le soleil me rappellent un temps qui semble sortir d’outre-tombe. J’ai moi-même parcouru à cheval les plaines Golygydd et senti le vent s’écraser sur ma poitrine, j’ai dévalé les roches mouvantes du bord du monde à la recherche de stamina pour aider l’Ordre des passeurs de lave, et j’ai même chassé les tornades pour en récolter la larme de Lorwyn en Ventedru. Et pourtant crois-moi, jamais, je dis bien JAMAIS, je n’ai éprouvé autant de bonheur et de joie que d’assister à la procession de la Marche de l’Animal en Ormsaint.

Tu me demandes mon âge en pensant que je suis trop éphèbe pour avoir déjà assisté à de telles festivités ? Mon jeune ami, il y a bien des choses sur les terres d’Erheness qu’il te reste encore à découvrir…

Mais avant de t’en dire plus, je vais te raconter ce que l’on pourrait qualifier d’Histoire car c’est en connaissant le passé que l’on peut apprécier le présent, et pressentir le futur.

Prends cette chaise, poses tes affaires, manges ce repas et bois cette eau, tu l’as bien mérité.

Tu dois être familiarisé avec la notion des Contivents ? Donc je ne t’apprendrais rien de la rencontre de ceux-ci, créant le Grand Cataclysme il y a de ça plusieurs siècles ? Bon, très bien.

Le choc entre ces archipels dérivant sur les courants éthérés ont permis à plusieurs civilisations de se découvrir. Aujourd’hui elles cohabitent de manière, comment dire, arbitraire. Oui, arbitraire, cela me paraît le plus juste.

 Au nord d’Erheness se trouvent les montagnes jumelles n’est-ce pas ? Endroit très enneigé je l’admets, et par conséquent peu praticable. Au sud de ces montagnes, des plaines s’étendent à perte de vue et les hardes y galopent à brides perdues. Sais-tu que jadis les hardes étaient composées de onze tribus nomades qui cherchaient leur réunificateur ? Celui qui les guiderait comme le fit Leiff le Dieu centaure en son temps ? L’Yrail et la Cyntaf, les deux principales tribus des hardes, auraient fait cause commune pour trouver leur futur prophète chez les passeurs de lave !

Mais ce n’est pas tout, approche-toi, tend moi une oreille…ils découvrirent également que les hommes, ceux qui ont dû descendre du cheval et marcher, étaient en réalité une partie du centaure ! Une évolution ! Les hommes sont les descendants du Centaure ! Comprends-tu ?

A l’Ouest, je ne t’apprends rien, se trouve la mer du bord du monde et ses trois dernières tribus de pêcheurs. Les Aegriss Kjafta, les Olaphs Gerrys et les Nepolhvani. Saches que le Traité du Trident qui confère aujourd’hui une égalité quasi parfaite entre les tribus n’est que la résultante d’un conflit important lié en grande partie à la pratique de l’émasculation chez les Orphelins. Pratique aujourd’hui abandonnée. Mais sais-tu que l’apparition des premiers rorkals date du jour de la signature de ce traité ? Non ? Lors d’un grand banquet organisé pour honorer la mémoire de l’Eskida des Passeurs de lave, les Aegriss avaient apporté un grand poisson nommé le Konunglet Blar, le Roy bleu. Pour faire honneur au nouvel Eskida et en symbole d’amitié, l’Eïre des Aegriss offrit pour repas le cœur du poisson au Grand Cartographe. Toutes les personnes, écoutes-moi bien, TOUTES les personnes qui ont mangé du poisson lors de cette cérémonie sont devenues, petit à petit, des Rorkals. Leur peau a commencé par devenir écailleuse, pour ensuite  prendre une teinte bleutée, jusqu’à recouvrir entièrement leur corps. Bien des siècles se sont écoulés depuis, et aujourd’hui toutes les tribus du nord du Pays des Brumes, les Aegriss à leur tête, sont des Rorkals. L’on vit aujourd’hui avec cette nouvelle race comme si elle avait toujours existé, les Rorkals ont leur mode de vie et même leur Dieu. Pourtant il n’est pas rare d’en croiser parmi les Royaumes proches des volcans, bien que Ventedru essaye d’en accueillir le moins possible.

Et les passeurs de lave tu vas me demander…Et bien aujourd’hui leur activité commerciale n’est plus. C’est un véritable ordre religieux. Ils vénèrent Georg et leurs anciennes traditions. Ils sont regroupés de manière monastique, ils ne font plus trop parler d’eux. Par contre, les personnes qui n’entendent pas l’Appel de la montagne ne sont plus acceptées au sein des passeurs, et l’enfantement entre deux passeurs est puni de l’abandon de l’enfant au dieu Georg le Cramoisi.

 A l’Est, tu le sais bien, coexistent nos neuf Royaumes. Ventedru, Tombelhiver, Malpic, Hautesherbes, Tourbebrune, Ormsaint, Taleseaux, Valcourbe et Vertebutte.

Environ cinq siècles se sont écoulés depuis la cérémonie d’adieu de l’Eskida au sein des passeurs de lave. A cette époque, alors que tous les autres étaient en guerre, Tourbebrune et Ventedru étaient les Royaumes les plus en vogue, une économie florissante, un penchant pour la médecine moderne et pour la création de voies commerciales grâce aux chariotteurs. Aujourd’hui les neuf royaumes se montrent patte blanche et sont en paix entre eux, malgré quelques petites tensions. La vie suit son cour. Des comptoirs ont été créés dans chaque capitale et les spécialités de chacun sont utiles à tous, ceci a été rendu possible notamment grâce aux chariotteurs express. Les royaumes n’aspirent qu’à une chose, éviter les assauts et rafles des Golygydds pour prospérer.

Mais connais-tu la véritable histoire de la Marche de l’Animal ? Cette phrase prononcée par le Hérault des Dieux te dit-elle quelque chose ? Elle a été formulée aux hommes choisis par les dieux, dictée au pied de l’arbre séculaire d’Ormsaint il y a fort longtemps :

« Vous êtes les élus de votre peuple, choisissez un animal et suivez-le, lorsque celui-ci enfantera vous construirez la première cité de votre futur empire, et vous vénérerez l’animal qui vous y aura conduit ». Suis-je bête…Bien sûr que tu connais cette phrase, sinon tu ne serais pas ici, en Ormsaint !

Et c’est ainsi que les familles régnantes actuelles formèrent leur blason et que nous reproduisons la marche, le départ des élus avec leurs animaux, de l’arbre séculaire vers leurs terres actuelles.

 Mais cette fois-ci, la procession a une odeur spéciale, une teinte particulière. L’on voit dans les Royaumes se répandre comme une trainée de poudre, une rumeur, une ombre qui avance et grandit…

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