Nos derniers enfants jouent dans la plaine, surveillés par leurs anciens. Plus de parents, de grands frères, de grandes soeurs, tous sont tombés dans les terres arides du sud, il y a presque dix ans de cela…
Tant de morts… si peu de vivants, et pourtant, nous sommes toujours là !
Nos chevaux, notre bien le plus précieux, sont bien peu nombreux maintenant. Nos boucliers sont brisés, le vent qui souffle à nos oreilles ne rapporte plus l’exultation des batailles, mais seulement les murmures de ceux qui ont déjà rejoint le giron de Betse… et pourtant nous sommes toujours là !
La plaine tremblera à nouveau sous les pas des troupeaux que le vent ne parvient pas à doubler. Nos chants monteront à nouveau vers le ciel, défiant les étoiles et saluant la lune. Nos danses fouetteront les sangs. Nos rêves parcourent la plaine. Nul n’enferme les fils de la tempête. L’Yrail renaîtra de ses cendres !
Les yeux dans le vague, l’esprit prit dans un tourbillon de sentiments, lentement, Lanyt se leva. En quarante ans d’existence, l’homme qui fait maintenant partie des ancêtres de sa harde a vu l’espoir naître, les hommes s’agenouiller devant le réunificateur, toute la harde partie, fière et forte comme le vent de l’hiver qui fauche les moissons. Lanyt vit les terres du sud, le feu dévorer ventedru, la vague se briser face aux marais des Tourbebrune, les loups de Tombelhiver, la liberté des plaines de Malpic, les fantômes d’Ormsaint… ces fantômes là.
Lanyt secoua la tête. D’un sifflement impérieux, il rassembla enfants, vieillards, protecteurs et chevaux. La harde de l’Yrail marche encore. A quelques toises à peine, il aperçoit ces étranges visiteurs avec qui il a conversé hier. Une main tendue, un futur pour les enfants de la harde.
“Le vent se lève… et nul ne l’arrêtera plus.” se prend-il à penser tout haut!